La Heddoua ou la Confrérie religieuse de Sidi Heddi

Publié le par Malik

Confrérie religieuse de Sidi Heddi[1]

     Sidi Heddi était contemporain de moulaye Abd-Es-Selam Ben-Mechich[2]. Issu d’une famille noble mais pauvre, il passait son temps à voyager de mausolée en mausolée, couchant dans les Zaouïas, vivant sur la charité publique, méprisant profondément la toilette, se laissant envahir par la vermine, fumant du kif toute la journée. Dès l’âge de trente ans, il s’était si bien singularisé, qu’il était suivi déjà d’une bande de bohémiens, dont il était le chef incontesté.

     Moulaye Abd-Es-Selam Ben-Mechich, alors à l’apogée de sa gloire, reçut un jour la visite du marabout ambulant. Sidi Heddi trouva le saint-homme dans un état pitoyable. Les yeux hors de la tête, vomissant des flots de glaires dans une cuvette de cuivre, le grand homme faisait peine à voir. Consternés et impuissant, ses disciples assistaient à cette scène par trop intime. Profitant d’un moment de calme relatif, Sidi Heddi prit la cuvette, la porta à sa bouche, et… but à longs traits les déjections du vénérable malade ! - Il a avalé les bénédictions célestes contenues dans les matières rejetées par l’estomac de l’Ami d’Allah – Ils y a des ignorants qui boivent l’eau ayant servi aux ablutions d’un simple marabout. Une fois le breuvage englouti, ils s’écriaient, radieux : « Fihi El-Baraka » «فه البركة » -.

     Se sentant repris de nausées, Sidi Abd-Es-Selam, qui ne s’était aperçu de rien, demanda ce qu’était devenu le contenu de la cuvette.

Le heddaoui la bu et s’est sauvé ensuite, répondirent les assistants.

Malheureux Beni-Arous ! cria le saint. Vous ne savez donc pas qu’il emporte toutes les bénédictions ? Il ne vous laisse rien, rien, et vous mourrez de faim si vous ne l’arrêtez pas. Vite ! Vite ! Cherchez-le !

Ils se mirent tous en campagne, mais ils revinrent sans avoir trouvé le fugitif. Alors, Moulaye Abd-Es-Selam, se dressant de toute sa hauteur, vit dans le lointain Sidi Heddi courant à perdre haleine. Il étendit le bras dans sa direction, et le fuyard s’arrêta net à l’endroit même où il fut enterré plus tard et où il repose encore aujourd’hui. Le malheureux venait d’avoir les deux jambes paralysées. A partir de ce moment, il ne bougea plus de cette place jusqu’au jour de sa mort. Il avait été foudroyé par la daâoua (دعوة) de Sidi Abd-Es-Slam. Depuis lors cette plaine a prit le nom d’Ou’ta Sidi Heddi (la plaine de Sidi Heddi). Un attrayant petit ruisseau la traverse qu’on dénomme aussi Oued Sidi Heddi. Les gens qui habitent la région prétendent que les nombreux poissons de ce cours d’eau sont sacrés. Quiconque les touche est frappé de malheur. Sur les deux rives on peut voir une belle végétation constituée d’oliviers, de figuiers et de vignes qui suivent les méandres capricieux de cette petite rivière.

     L’immobilité força le santon à s’occuper de l’organisation de sa Confrérie. Il se fit bâtir un oratoire et une Zaouïa dans lesquelles il donnait ses instructions, entre deux pipes de kif. Après sa mort, on lui éleva un mausolée carré surmonté d’une terrasse. Une porte grillée, que l’on n’ouvre jamais permet de voir le catafalque au pied duquel se trouvent toujours une pipe et un chapelet. Le vulgaire est persuadé que le saint, constamment invisible cependant, vient de temps en temps réciter quelques litanies et fumer une pipe sur son propre tombeau.

     Le Dhikr (ذيكر), ou Oraison distinctive de la Confrérie, est la suivante :

بسم الله بالله يا ربي الحمد لله لا اله إلا الله محمد رسول الله

Au Nom d’Allah. Par Allah, ô mon Seigneur. Louange à Allah.

Il n’y a d’Allah qu’Allah et Mohamed est le Messager d’Allah

 

Les instruments de musique de la ‘Hèddoua’ [3] Constantinoise

     A Constantine l’ensemble Heddoua est devenu incontournable, on le retrouve dans, presque, tous les grands évènements festifs - circoncision, fiançailles, mariage, etc. - célébrés en public par une musique appropriée à la circonstance.

Zorna : Cet instrument porte aussi le nom de Zamar ou Mizmar. Une sorte de Hautbois – peut-être qu’il est à l’origine du hautbois occidental – Il est fabriqué dans un morceau de cerisier façonné au tour en forme de tube cylindrique s’évasant en pavillon. La longueur du tube varie, suivant les instruments, de 30 à 38 cm.

Dans la partie supérieure s’introduit un col en bois pourvu d’une pièce d’os ronde sur laquelle appuient les lèvres et d’une anche double.

L’instrument est percé de sept trous sur le devant et d’un huitième trou pour le pouce de la main gauche sur l’arrière. La main gauche occupe donc les trous supérieurs, et la main droite les trous inférieurs.

D’autres trous, au nombre de trois devant et deux sur le côté, sont percés dans le pavillon ; ils paraissent n’avoir aucune utilité.

L’empirisme présidant à la confection de cet instrument et à l’ouverture des trous, la justesse est relative et la tessiture varie avec la dimension.

 La Zorna existe dans la majorité des pays du monde arabo-islamique et y occupe une place de choix parmi les instruments folkloriques. Le joueur de Zorna doit pouvoir jouer d’une façon ininterrompue et ce, en emmagasinant l’air dans sa cavité buccale. 

Tabla : La Tabla (pluriel : T’boul) Grand tambour cylindrique, son diamètre varie d’après les régions de 40 à 60 cm. C’est un instrument ancien d’où a été tirée la grosse caisse, mais avec des dimensions plus voisines de celles du tambour.

Elle a deux membranes en peau de bouc montées sur un cylindre de bois recouvert le plus souvent de drap ou d’andrinople rouge et qui sont maintenues tendues au moyen d’un jeu de cordes et de boucles semblable à celui des tambours.

Elle se joue sur les deux membranes.

Sur l’une la main droite, armée d’une mailloche de bois, frappe des coups violents, sonores, correspondant aux temps forts. Sur l’autre la main gauche, armée d’une baguette appliquée presque tangentiellement à la peau, frappe de petits coups redoublés.

Tar : Le Tar, que les Marocains appellent mizane (mesure), par analogie à son rôle de batteur de mesure, est un instrument indispensable dans tous les genres de musiques arabes.

Généralement il ne doit pas dépasser les 25 centimètres de diamètre, garni de cinq paires de petites cymbales de cuivre.

Le Tarrar ou Tarrardji (joueur de Tar), est considéré comme un musicien de premier plan. Habituellement il tient le Tar de la main gauche entre le pouce et l’index, perpendiculairement à la paume de la main ; le médius et l’annulaire sont allongés et placés de façon à battre le cercle de bois où sont insérées les Z’noudj, 10 paires (couplées par 2 paires) de petites cymbales de cuivre. La main droite frappe la peau (Djelda), du bout des doigts.

Les deux sons ainsi obtenus, le dernier plus sourd, le premier plus clair et métallique en raison du choc des cymbales, donnent l’alternance de sons forts et faibles. Comme il a la mission de marquer le Mizane, de mettre de l’ordre et du rythme, il joue donc, obligatoirement, dans les orchestres un rôle important.

Darbouka : ou Darbuka ou Derbuka c’est un instrument de percussion faisant partie des membranophones, elle constitue un instrument indispensable dans les musiques arabes d'Orient, du Moyen-Orient et du Maghreb. La darbouka daterait de 1100 avant J.-C. Elle est fabriquée en terre cuite, en métal (aluminium) ou plus rarement en bois et est recouverte d'une peau animale (généralement mouton, chèvre ou poisson) aujourd’hui la plupart des Drabki utilisent des Darbouka dont la peau est en plastique.


Naghrats - d’autres les dénomment Naggarats : Les Naggarats, sont de petites timbales hémisphériques de 15 à 20 cm. Environ de diamètre, recouverte d’une membrane en peau (de bouc ou de chameau).

On en rencontre dont la caisse sonore est en argile ou en cuivre et totalement hémisphérique. Mais on en trouve aussi de forme semi-ovoïdale et dont la caisse est recouverte de pièces de cuir.

Les deux timbales sont réunies parfois par deux liens de cuir. La timbale de gauche, celle qui donne les Doum, est parfois mouillée légèrement pour obtenir un son sourd ; celle de droite, qui donne le Tak, est chauffée sur un brasier pour obtenir un son claire.

Les Naggarats sont battues au moyen de deux baguettes de bois terminées par une petite boule. Le musicien en tient une dans chaque main et frappe surtout des contretemps et des variations et des ornementations d'accompagnement de la Derbouka.

 

Historiographie de la troupe musicale Ottomane

     Avant la destruction du corps des janissaires par le sultan Mahmoud II, en 1826, la musique militaire dans l’Empire Ottoman avait une physionomie tout-à-fait originale.

     La troupe Turque était essentiellement divisée en 4 classes, et chacune de ces classes était composée de 9 personnes. La première de ces classes comprenait les joueurs de Zorna (espèce de hautbois) ; leur chef portait le titre de Mehter-Bachi (chef de musique, il ne dirige pas, comme les Européens, la baguette en main ; il joue lui aussi de sa Zorna, et se tient seul, au milieu du cercle formé par ses artistes.

2°- Les Itch-Oglan Bache-Chaouche-Lari ; leur chef se tient également au milieu de la troupe et en face du chef de musique ; chacun d’eux tenant une oriflamme.

3°- Les joueurs de Davul (Tabla : grosse caisse) ; leur chef porte le titre de second chef de musique.

4°- Les joueurs de Z’noudj (Zil, espèce de cymbale). Ils sont aussi au nombre de neuf avec leur chef et prennent place en arrière des joueurs de grosse caisse.

5°- Les joueurs de Naqarat (espèce de petite timbale). Toute la troupe se tient debout, excepté ceux qui jouent des Naqarat ; ils s’asseyent par terre ainsi que leur chef.

6°- Les joueurs de Borou (espèce de trombone) ; ils ont aussi un chef qui porte le titre de Bori-Zambachi.

     Le sultan, après l’anéantissement des janissaires, ne pouvait pas maintenir leur musique. Désirant avoir des troupes militaires à l’européenne, il confia leur organisation à un maestro nommé Manguel, qui se trouvait dans la capitale ottomane. Au bout de quelque temps, on comprit que ses capacités étaient insuffisantes. Le gouvernement décida alors de faire venir d’Europe un maître de musique plus autorisé.

     C’est en 1831 que Joseph Donizetti – qui était le frère du célèbre compositeur dramatique italien Gaétan Donizetti – arriva à Constantinople muni d’une lettre de recommandation de l’ambassadeur de Turquie auprès du roi de Sardaigne.

     J. Donizetti organisa la musique militaire de la garde du sultan ; les autres fanfares de l’armée turque ayant imité son exemple, au bout de quelques années, on n’entendait partout que des fanfares organisées à la manière européenne.

 

 

 

 

 

 



[1] Heddi me paraît être l’impératif de la deuxième forme du verbe défectueux (هدى), signifiant donne, offre, présent, cadeau…  Heddaoui, plur. Heddaoua est, en arabe usuel, un adjectif relatif ayant le sens de partisan de Sidi Heddi.  Ce terme Heddaoui ou Heddi désigne aussi un rythme vif, rapide (Kh’las) dans le genre chaâbi algérois.

[2] Abd-Es-Selam Ben-Mechich, soufi, décédé en 625 de l’Hégire (1227-1228 de J.-C.), et dont le tombeau se trouve dans la montagne dite « Djebel-El-Alem », dans le voisinage de Tétouan, chez les Beni-Arous. Il est souvent nommé Imam-Ech-Chadeli, le maître de Chadeli, car il fut le professeur de Sidi Abou El-Hassen Ech-Chadeli, et l’élève de Sidi Chouaïb Ibn-El-Hocine El-Andaloussi plus connu sous le nom de Sidi Abou-Median-El-Ghawt Et-Tlemçani.

 

[3]  Littéralement : Offrande

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